dimanche 10 janvier 2010

Petit retour en arrière sur la fin de l'année 2009... Chap.2 : Silence, ça tourne !

Pré-minutage, dépouillement scénaristique, continuité chronologique, Time Code, feuille de montage, jeu de mémoire photographique....Dans les deux derniers mois 2009, je n'ai pas chômé quand il fut question de nourrir mon plaisir d'être scripte sur un plateau de tournage.
A chaque nouvelle expérience de plateau, un même sentiment ne fait que s'affirmer encore plus au fond de moi... Scripte est un métier réellement jouissif. Et j'ai toujours une grande excitation à me confronter à un challenge que représente un nouveau tournage. Et cela commence bien avant le tournage, à la lecture même du scénario....

Lorsque je reçois un scénario, je le lis une première fois en me concentrant seulement sur la compréhension du texte. Il est très important de comprendre clairement l'histoire, surtout pour une scripte ! Si un doute nous saisit, mieux vaut se référer au réalisateur pour ne pas risquer de fâcheuses erreurs d'incompréhension sur le tournage. Il y aura déjà beaucoup à faire à ce moment-là...
Je relis une deuxième fois le texte afin de constituer le pré-minutage qui permet de donner la durée approximative du film. Je procède souvent en lisant les répliques et en mimant les gestes, et en m'ayant également informé, au préalable, sur le rythme du film auprès du réalisateur.
Les lectures suivantes me permettent de composer deux documents importants : Le dépouillement ainsi que la continuité chronologique. C'est à ce moment que j'essaye d'anticiper sur certains raccords du genre "La femme est-elle mariée ? MMhh, je dois penser à vérifier à chaque scène si elle porte bien une alliance... Cet homme a rampé sur le sol avant d'arriver dans cette pièce. Si on tourne la scène de la pièce en premier, je dois penser à ce que ces vêtements soient sales... Cette jeune fille a une oeil au beurre noir. Je dois faire attention à la progression de la blessure... Ce garçon change beaucoup de vêtements. Je dois noter ce changement suivant les jours de l'histoire..."
La continuité chronologique est comme la représentation du scénario sous forme de tableau. Pour chaque scène, je note si c'est en intérieur ou en extérieur, le décor, la description de l'action, les personnages présents, le préminutage, des raccords ou remarques éventuels qui peuvent aider au moment du tournage ainsi que le jour de l'histoire auquel se rapporte la scène (ce qui me permet de rendre visible les scènes en flash-back qui opère un retour dans le passé).

Ce travail méticuleux demande beaucoup de rigueur car à tout moment sur le tournage, on peut nous poser une question sur le temps de l'histoire, sur un personnage, etc... et nous devons savoir répondre à cette question puisque la scripte est la mémoire vivante du film ou "le fil d'Ariane" ou encore "la bonne fée qui veille sur l'épaule du réalisateur". C'est son affaire !
Autre raison pour laquelle ce travail doit être fait avec beaucoup d'attention : On se rend vite compte que sur le tournage, on fait face à d'autres réflexions du genre "Ok, il y a une énorme horloge dans la cuisine. Il faut donc penser à afficher la bonne heure au bon moment... Il y a une scène de dîner. Je dois penser aux verres qui se vident et se remplissent..."
Un film n'est jamais tourné dans son ordre chronologique pour raisons financières et organisationnelles. La scripte doit donc veiller à la bonne continuité du film.
Lorsque l'on voit une jeune fille sortir de la salle de bain après une bonne douche, il faut penser que ses cheveux seront mouillés. Or si l'on tourne d'abord la scène de la sortie de la salle de bain, on ne pense pas forcément aux cheveux mouillés !! Oui moi même, ça m'est sorti de la tête surtout quand on tourne la scène plusieurs fois et que les cheveux commencent à sécher ! Vous me direz que c'est à la coiffeuse d'y penser ! Oui mais c'est aussi le job de la scripte !

Parallèlement au travail de raccords, la scripte doit également remplir un rapport de montage qui permet d'aider le monteur à se retrouver plus facilement parmi toutes les scènes tournées au moment du montage. Il s'agit d'un tableau qui précise chaque scène avec les plans, le nombre de prises (avec parfois les bonnes prises déjà entourées), l'action du plan, le Time Code (le "code temps" qui permet de retrouver une prise sur une cassette ou une pellicule), le minutage du plan, si c'est sonore ou muet ainsi que des commentaires au besoin. Ce document doit être clair pour le monteur qui n'assiste pas au tournage et qui ne sait donc pas ce qui s'est dit et fait à ce moment.

Enfin, lorsqu'il s'agit d'un tournage professionnel, il est parfois demandé à la scripte de tenir un journal de bord, communément appelé aussi le "Mouchard" qui indique tout ce qui se passe dans la journée : L'heure à laquelle arrive les techniciens, l'heure à laquelle on commence à tourner tel plan, l'heure à laquelle on mange, etc...
En fin de journée, elle remplit un rapport de production indiquant généralement le nombre de plans et de scènes effectués, les scènes ou plans supprimés et ce qui reste à tourner.
Ces deux documents permettent au producteur, pas toujours présent sur le tournage, de savoir comment avance le tournage. C'est la partie la moins excitante de la fonction de scripte !

Avant de tomber dans les bras de Morphée, il est toujours utile de relire la scène prévue pour le lendemain et d'anticiper sur les raccords qui pourraient poser problème. Vous l'aurez compris : Il faut se préparer un maximum car il y toujours des problèmes, des interrogations qui se posent à nous et cela malgré une bonne préparation !

J'aime le travail de scripte car il se pose toujours de nouveaux questionnement. Les défis ne sont jamais les mêmes. Les conditions de travail non plus ! La façon de travailler non plus !
Et l'esprit d'équipe ainsi que la vie est communauté sont des éléments importants. Une nouvelle équipe c'est aussi un nouveau challenge. Il faut savoir faire avec les caractères et les humeurs de chacun. Cela m'offre la possibilité de travailler sur ma propre personne et d'essayer d'être la plus sereine et la plus diplomate possible dans des moments qui sont parfois d'extrême tension.
C'est un job épuisant mais ô combien merveilleux car on ne sait jamais à quoi s'attendre le matin en posant le pied par terre !

C'est ainsi qu'en novembre, j'ai tourné un film avec Sébas' qui en était le réalisateur. "Toutes les jeunes filles en fleur" est l'histoire assez complexe d'un couple, dont la femme, aux prises avec de vieux démons, abuse d'une jeune fille que l'homme a retrouvé dans une ruelle, affaiblie et quelque peu dénudée.
Un grand merci tout particulier à Huguette et Cynthia qui nous ont choyé avec de délicieux mets à nous mettre en bouche et qui nous ont alors apporté bien du réconfort !



--->(Une petite vue d'une rue de Montréal, la nuit)




En décembre, je reçois le scénario "Hollywood Skin" de Maude (la cadreuse du film de Sébas) entre mes mains et le tournage débute deux semaines plus tard mettant en scène l'espoir d'une jeune actrice qui tente de réussir dans le monde cruel du cinéma à Hollywood et qui finit "magnifiquement" ensanglantée...



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